Pâris de Bollardière Jacques

Publié le par Roger Cousin

Pâris de Bollardière JacquesJacques Pâris de Bollardière, né le 16 décembre 1907 à Châteaubriant en Loire-Atlantique et mort le 22 février 1986 au Vieux-Talhouët, Guidel dans le Morbihan, était un officier général de l’armée française, combattant de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre d'Indochine et de la guerre d'Algérie. C'est également une des figures de la non-violence en France.

Fils d'un officier de marine, il fait des études secondaires au collège Saint-Sauveur de Redon, avant de rejoindre le Prytanée national militaire de La Flèche. Entré en 1927 à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, où il se distingue par son esprit libre et contestataire, il en sort trois ans après avec le grade de sergent-chef (c'est une sanction: les « cyrards » sortent normalement sous-lieutenants et accomplissent leur cursus en deux ans). Affecté au 103e RIA de Bastia, il est promu lieutenant en 1932. Affecté en 1935 dans la Légion étrangère, il est nommé au 1er régiment étranger d'infanterie à Saïda, en Égypte, qui rejoint Marrakech l'année suivante.

Affecté à la 13e Demi-Brigade de Légion étrangère en février 1940, il devient capitaine et prend part à la campagne de Norvège. Débarqué à Brest le 13 juin, il assiste à la débâcle et décide de rejoindre Londres. Embarqué sur un chalutier à Paimpol, il se rallie immédiatement aux Forces françaises libres, ce qui lui vaut une condamnation à mort par le Régime de Vichy. Il participe à tous les combats des Forces françaises libres avec la 13e demi-brigade de Légion étrangère. Au sein de cette unité, il participe aux campagnes du Gabon, en novembre 1940, et d'Érythrée. Son rôle dans la prise de Massaoua lui vaut d'être décoré de la Croix de la Libération. Avec la 1re division légère française libre, il participe ensuite à la campagne de Syrie. Promu chef de bataillon en septembre 1941, il commande le 1er bataillon étranger en Libye, notamment à la bataille d'El Alamein, où il est blessé au bras par l'éclatement d'une bombe. Hospitalisé huit mois durant, il retrouve son unité le 15 juin 1943 à Sousse, en Tunisie.

En octobre 1943, il rejoint le BCRA et devient parachutiste. Parachuté à Mourmelon le 12 avril 1944, il commande la mission « Citronelle », qui doit organiser le maquis des Manises dans les Ardennes. Mal armés, mal organisés, mal préparés, 106 maquisards isolés dans les bois et sans secours y seront massacrés par l'occupant. Rentré de mission le 20 septembre, il prend le commandement du 3e RCP/3rd SAS de la brigade SAS1. Il saute sur la Hollande le 7 avril 1945.

Jacques de Bollardière est l'un des Français les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale: grand officier de la Légion d'honneur, compagnon de la Libération, deux fois décoré du Distinguished Service Order (DSO), etc. Il est promu lieutenant-colonel à la fin de la guerre et prend le commandement des deux régiments (squadrons) SAS français (2e et 3e RCP), fondus dans le 1er RPIMa (1er régiment parachutistes d'infanterie de marine, équivalent français des SAS britanniques) en février 1946. Débarqué à Saïgon avec le corps expéditionnaire français en Extrême-Orient un mois après, il rentre en France en 1948 puis commande les troupes aéroportées en Indochine de 1950 à 1953.

Affecté au Centre des hautes études militaires en octobre 1953 puis à l'École de guerre, où il enseigne la tactique des troupes aéroportées, il prend la tête de deux brigades en Algérie en juillet 1956. En décembre de la même année, il est promu général de brigade: il est alors le plus jeune général de l'armée française. Responsable de la Mission Citronnelle, il est parachuté dans le maquis en 1944, où confronté aux atrocités nazies commises au Maquis des Manises, il acquiert la conviction que la torture est le propre des régimes totalitaires. Jacques de Bollardière est le seul officier supérieur à avoir condamné ouvertement l'usage de la torture pendant la guerre d'Algérie : il dénonce « certains procédés » pratiqués par une partie de l'armée française dans la recherche du renseignement lors de la guerre d'Algérie. Sa prise de position publique lui vaut une sanction de soixante jours d’arrêt de forteresse, le 15 avril 1957. à La Courneuve.

Il écrit quelques années plus tard : « Je pense avec un respect infini à ceux de mes frères, arabes ou français, qui sont morts comme le Christ, aux mains de leurs semblables, flagellés, torturés, défigurés par le mépris des hommes ». Il soutient Jean-Jacques Servan-Schreiber dans sa dénonciation de la torture. « La guerre n’est qu’une dangereuse maladie d’une humanité infantile qui cherche douloureusement sa voie. La torture, ce dialogue dans l’horreur, n’est que l’envers affreux de la communication fraternelle. Elle dégrade celui qui l’inflige plus encore que celui qui la subit. Céder à la violence et à la torture, c’est, par impuissance à croire en l’homme, renoncer à construire un monde plus humain. » Relevé de son poste, il est ensuite nommé adjoint du général commandant supérieur des forces armées de la zone de défense AEF-Cameroun puis à Coblence, en Allemagne, des postes honorifiques qui l'éloignent du commandement. Il démissionne au moment du putsch des Généraux (avril 1961), n'ayant pu obtenir de poste en Algérie, comme il le souhaitait.

Il déclare à cette occasion : « le putsch militaire d’Alger me détermine à quitter une armée qui se dresse contre le pays. Il ne pouvait être question pour moi de devenir le complice d’une aventure totalitaire. » Jacques de Bollardière (à droite) sur le plateau du Larzac, protestant contre l'extension du camp militaire, dans les années 1970. A sa gauche, les philosophes non-violents Jean-Marie Muller et Lanza del Vasto. Pendant deux ans, il travaille comme attaché de direction dans l'entreprise de construction navale La Perrière à Lorient.

Il devient un membre actif du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) avec sa femme Simone. Il participe au mouvement de défense du Larzac menacé par l'extension d'un camp militaire. Le 17 juillet 1973, il est arrêté au large de Moruroa alors qu’il manifeste de façon non-violente contre les essais nucléaires atmosphériques (et plus généralement contre la dissuasion nucléaire). La marine française arraisonne son voilier, le Fri, alors qu'il est en dehors des eaux territoriales (mais à l'intérieur du périmètre de sécurité délimité en vue d'un essai). Le « commando Bollardière » est composé de Jean Toulat, Jean-Marie Muller et Brice Lalonde.

Il est également président de l'association Logement et promotion sociale de 1968 à 1978, membre d'associations régionalistes bretonnes et théoricien de la défense civile non-violente. Ces convictions sont indissociables de sa foi chrétienne. À l’occasion de la loi de réhabilitation des militaires putschistes de 1982, certains officiers ayant résisté au putsch sont également réintégrés dans les cadres ; trouvant ce parallélisme déplacé et ce geste bien tardif, le général de Bollardière refuse le même traitement. Décédé dans sa résidence du Vieux-Talhouët le 22 février 1986 à Guidel, il est inhumé à Vannes.


Publié dans Résistants

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