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Revue de presse de l'Histoire - La Seconde guerre mondiale le cinéma les acteurs et les actrices de l'époque - les périodes de conflits mondiales viètnamm corée indochine algérie, journalistes, et acteurs des médias

La Belle et la Bête

La Belle et la Bête est un film fantastique, réalisé par Jean Cocteau, sorti sur les écrans en 1946. À la campagne vit un marchand au bord de la faillite avec ses quatre enfants : un fils, Ludovic (Michel Auclair), et trois filles, Félicie (Mila Parély), Adélaïde (Nane Germon) et Belle (Josette Day). Deux de ces filles sont ignobles, égoïstes et ont un mauvais caractère ; elles traitent leur sœur, Belle, comme une domestique. Cocteau tire parfois le récit vers la farce, par exemple quand il fait adresser aux canards en train de caqueter un commentaire destiné aux sœurs de Belle. À ce moment-là le conte de fées évoque Cendrillon.

Un jour, le père part en voyage d'affaires ; avant de s'en aller, il promet à ses filles de leur rapporter des cadeaux. Pour Félicie et Adélaïde un perroquet et un singe, ainsi qu'une tonne d'artifices et de bijoux, et pour Belle une jolie rose. En route, il s'égare dans une forêt où il trouve un château étrange et majestueux ; après y avoir passé la nuit et y avoir soupé, il y remarque une rose qu'il décide de prendre pour Belle. C'est au moment où il la cueille qu'apparaît le propriétaire du château (Jean Marais), un monstre doté de pouvoirs magiques, à l'aspect mi-humain mi-animal. Le châtelain condamne le marchand à mort, à moins que ce dernier ne lui donne une de ses filles. Belle accepte de se sacrifier et s'en va vers le château. Son voyage est filmé dans un mouvement lent qui lui donne un caractère onirique. Quand elle voit la Bête, elle commence par s'évanouir, mais au fil du temps passé avec lui elle en vient à l'aimer, quand elle se rend compte que la Bête est autre chose que ce qu'un premier coup d'œil ferait croire. On se rend compte qu'elle devine l'âme pure qui se cache derrière la laideur de la Bête et la véritable bête est désormais un Prince qui veut se marier avec elle. Ce dernier possède étrangement les traits d'Avenant tandis que celui-ci, tué à cause de sa cupidité, a pris ceux de la Bête.

Dans ce film il y a deux mondes différents, d'une part la maison bourgeoise et ordinaire du marchand, et d'autre part le château enchanté de la Bête où tout est possible. C'est la forêt mystérieuse qui relie entre eux ces deux mondes. À l'intérieur du château et autour de lui, les chandeliers, les jardins et les cariatides sont vivants. Pendant le film, la bête dévoile cinq fils conducteurs qui sont des objets magiques dont certains ont été empruntés au conte de fées de Madame Leprince de Beaumont : la rose, une clé en or, un gant, le miroir et vient enfin le cheval blanc, « le Magnifique ». À la fin ces deux mondes finissent par se réunir. La chambre de Belle se trouve dans la chambre de son père - mais aussi dans sa chambre au château. La belle est sauvée lorsqu’Avenant meurt sous la forme de la bête, et que les deux personnages se fondent en un seul.

Cocteau a modifié la fin du conte de fées où une fée bienfaisante intervenait dans le rêve de Belle, pour récompenser les bons et punir les méchants. Il a omis la fée et terminé le film sur ces répliques :

« Vous ressemblez à quelqu'un que j'ai connu autrefois…
« Cela vous gêne-t-il ? »
« Oui….(puis avec un visage radieux) Non ! »

Juste après la Deuxième Guerre mondiale, Jean Marais a proposé à Jean Cocteau de faire un film qui se baserait sur deux œuvres du XVIIe siècle et XVIIIe siècle. L'une, dont le titre et la majeure partie du contenu narratif, est le conte de fées de Madame Le Prince de Beaumont, publié pour la première fois dans l'anthologie Le Magasin des Enfants, ou Dialogues entre une sage gouvernante et ses élèves, London 1757. La seconde source narrative du film est aussi un conte de fées : La Chatte Blanche de Madame Marie-Cathérine d'Aulnoy, publié quelque 60 ans auparavant, dans une des premières anthologies du genre des "Kunstmärchen" (contes littéraires) imprimées en France : Les Contes des Fées, Paris 1697-1698. De ce conte, un seul motif évocateur se trouve dans le film : les domestiques, ayant été transformés par magie, en sont réduits à leur seuls bras et mains, encore prêts à servir.

Cocteau a trouvé l'idée excellente : non seulement elle coïncidait avec les rêves qu'il avait eus dans son enfance, mais elle lui offrait une nouvelle possibilité cinématographique : mettre en scène des contes de fées. À première vue ce film est différent du précédent pour lequel Cocteau avait écrit le script et qu'il avait dirigé, mais tous les deux travaillent sur des mythes et créent une ambiance d'une beauté qui dérange. Dans son esprit le film reste fidèle à ces deux contes de fées mentionnées, mais la mise en image est de Cocteau et de personne d'autre. Il a ouvert une voie qu'emprunteront après lui des metteurs en scène, comme Ingmar Bergman, François Truffaut et Vincente Minnelli. L'œuvre d'Alexandre Arnoux, La belle et la bête, pièce de théâtre publiée en 1913 en Belgique, aurait aussi inspiré ce film1. L'intrigue du film étant plus proche de cette pièce que du conte original, notamment dans la mise en situation de l'intrigue, l'absence de la fée, etc.

Dans les rôles principaux, Josette Day est la Belle, Michel Auclair son frère, Ludovic, et Jean Marais interprète trois personnages dont Avenant, la Bête et le Prince.

Au départ, Jean Marais avait pensé à une tête de cerf. Il semble qu'en faisant cette proposition, il se souvenait d'un détail dans "La Chatte blanche", où le heurtoir à la porte du château magique de la Chatte Blanche/la princesse est en forme d'un pied de biche ou chevrette. Cette proposition suivait les lignes narratives de ce conte de fées, et aurait eu évoqué aussi de loin le mythe du Cernunnos, dieux celtiques des bois aux têtes de cerf ; mais Jean Cocteau pensait que les spectateurs trouveraient une telle tête ridicule pour une bête féroce et dangereuse. Moulouk, le chien de Jean Marais servit de modèle pour le visage de la bête.

Il fallait environ trois heures pour fixer le masque de la bête, et une heure pour chaque griffe. Les dents du monstre étaient accrochées à celles de l'acteur par de petits crochets, ce qui n'était pas très pratique pour manger. La "bête carnivore" se nourrissait donc essentiellement de nourriture en bouillie (on peut lire ces témoignages de Jean Marais dans l'autobiographie qu'il a rédigée).

Georges Auric était le responsable de la musique, et Henri Alekan directeur de la photographie. Le décorateur Christian Bérard et Lucien Carré assuraient la direction artistique.

Les scènes extérieures ont notamment été tournées : dans l'Oise au Château de Raray dans le Val-d'Oise à l'Abbaye de Royaumont. en Indre-et-Loire. Le Moulin de Touvoie à Rochecorbon est la maison de la Belle. Parçay-Meslay. Dans le Alpes-Maritimes à Èze. Les scènes en studios ont été tournés : aux Studios Franstudio de Saint-Maurice, aux Studios Eclair d'Epinay sur Seine, aux Studios de Joinville à Joinville le Pont.

Beaucoup de règles se sont vues brisées au cours de la réalisation de ce film, la musique d'Auric rompait les effets visuels plutôt qu'elle ne les soulignait. La cinématographie d'Alekan n'est pas conventionnelle, mais précise et claire - presque comme dans un documentaire. Le film a été tourné dans la campagne française, dans un environnement qui rend crédible non seulement la maison de la Belle et de sa famille, mais aussi le château de la Bête.

Dans son travail Cocteau a laissé jouer à la morale un rôle, un rôle soumis à la magie, au symbolisme, au surréalisme et à la psychanalyse. Le rôle de la Bête il l'a donné à un acteur qui était considéré alors comme l'homme le plus beau du monde, Jean Marais. Celui-ci interprète un rôle triple : la Bête, le soupirant de la Belle (Avenant) et le prince. En outre, il y a aussi dans le mur des bras d'homme qui en sortent et portent des chandeliers, ainsi que des cariatides dont les yeux bougent et une fumée qui s'exhale. Cocteau a placé aussi dans le film des talismans et des jardins enchantés.

Le film cherche à faire naître un sentiment de magie et d'ensorcellement. La technique cinématographique et les décors se réfèrent aux illustrations et aux gravures de Gustave Doré et, dans les scènes de ferme, aux tableaux de Johannes Vermeer2. L'utilisation des images par Cocteau a fait s'affronter les experts pour savoir si les significations cachées s'expliquaient par Jung ou par le surréalisme.

Le film dure environ 96 minutes, et il est le premier que Jean Cocteau a écrit et mis en scène depuis Le Sang d'un poète. Cocteau montre ici combien il est difficile de séparer le rêve de la réalité. Le générique lance un clin d’œil vers l'enfance puisqu'ici le générique avec les comédiens et les autres collaborateurs s'écrit sous nos yeux à la craie sur un tableau noir.

Après avoir délaissé le cinéma pendant quelques années au profit du théâtre et de la poésie, Jean Cocteau reprend la réalisation en 1943 avec L'Éternel Retour dont il a écrit « le récit et les paroles ». Il reprend dans La Belle et la Bête, en 1946, son interprète favori, Jean Marais, en une adaptation qui ne perd rien de sa mythologie personnelle. Il fait lui-même la mise en scène. Et contre toute attente, à l'heure du succès du réalisme, le film fait un triomphe.

La Belle et la Bête de Jean CocteauLa Belle et la Bête de Jean Cocteau

La Belle et la Bête de Jean Cocteau

videoFiche technique

  • Titre : La Belle et la Bête
  • Réalisation : Jean Cocteau
  • Premier assistant-réalisateur : René Clément (et, non crédité au générique, réalisateur de seconde équipe)
  • Tournage en 1945 près de Senlis et en Touraine
  • Scénario, Adaptation et Dialogue : Jean Cocteau
  • Adapté de la version du conte publiée en 1757 par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont
  • Musique : Georges Auric, orchestre dirigé par Roger Desormière
  • Directeur de la photographie : Henri Alekan
  • Opérateur : Henri Tiquet, Raymond letouzey, Robert Foucard
  • Montage : Claude Ibéria ou Héria
  • Décors : Christian Bérard, Lucien Carré et René Moulaert
  • Costumes : Christian Bérard, Antonio Castillo, Marcel Escoffier, exécutés par la maison Paquin
  • Maquillage : Hagop Arakélian
  • Son : Jacques Carrère et Jacques Lebreton, assistés de H. Girbal et P. Gaboriau
  • Effets sonores : Raizenat
  • Régisseur général : Roger Rogelys
  • Photographe de plateau : Aldo Graziati
  • Script-girl : Lucille Costa
  • Producteur exécutif : André Paulvé
  • Directeur de production : Emile Darbon
  • Distribution : Distina (Société Parisienne de Distribution Cinématographique)
  • Tournage dans les studios de Saint-Maurice
  • Tirage : Laboratoires G.M Films
  • Durée : 96 minutes
  • Genre : fantastique
  • Date de sortie :
  • France 29 octobre 1946
  • États-Unis 23 décembre 1947

videoDistribution

  • Josette Day : la Belle
  • Jean Marais : Avenant/la Bête/le Prince/lui-même, générique
  • Michel Auclair : Ludovic
  • Mila Parély : Félicie
  • Nane Germon : Adélaïde
  • Marcel André : Le père
  • Raoul Marco : L'usurier (à confirmer, cf. discussion, mais crédité au générique)
  • Jean Cocteau : voix de R. Marco/lui-même, effaçant le tableau du générique
  • Christian Marquand : laquais
  • Doudu : Diane, la chasseresse
  • le chien Moulouk : lui-même, générique
  • Gilles Watteaux
  • Noël Blin
  • Janice Felty
  • Ana-Maria Martinez
  • Grégory Purnhagen
  • Jacques Marbeuf

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