Frachon Benoît

Publié le par Mémoires de Guerre

Benoît Frachon, né le 13 mai 1893 au Chambon-Feugerolles (Loire) et mort le 4 août 1975 aux Bordes (Loiret), est un syndicaliste français. Il est secrétaire de la CGTU en 1933, membre du secrétariat de la CGT en 1936, secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT) de 1945 à 1967, Président de celle-ci jusqu'en 1975. Membre du bureau politique du Parti communiste français, il fut l'un des principaux dirigeants du PCF dans la Résistance.

Frachon BenoîtFrachon Benoît

Né au Chambon-Feugerolles, ville du bassin houiller de la Loire, près de Saint-Étienne, Benoît Frachon est le troisième 2 des cinq enfants d' une famille de mineur. Son père, Jean Benoît Frachon, mineur puis surveillant de travaux de fond, meurt3 à l'âge de 51 ans, alors que Benoît est âgé de 15 ans. Sa mère, Claudine Drevet, « ménagère » lors de la naissance de son fils, était dévideuse à Saint-Étienne, avant son mariage. Benoît Frachon, scolarisé à l'école publique mais ayant eu aussi une éducation religieuse, obtient le Certificat d'études primaires en 1904. Après deux années d'études primaires supérieures au Chambon-Feugerolles, il échoue au concours des bourses et doit entrer dans la vie active. Apprenti chez un petit patron en boulonnerie, il acquiert la spécialité de tourneur métallurgiste. En 1909, âgé de seize ans il adhère à la CGT. Engagé dans un petit groupe libertaire dès 1909, il participe à quelques manifestations d'action directe. Sa première grève, il la vit en 1910, au Chambon. Très dure (plus d'un mois), elle donne lieu à des affrontements avec l'armée (la cavalerie charge « sabre au clair » les grévistes), tourne à la grève populaire (les femmes des grévistes participent, mais aussi, dans une certaine mesure, la population de Saint-Étienne). Il fréquente assidûment la maison du peuple du Chambon : il y apprend et s'y imprègne de la culture ouvrière. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Frachon adhère au Parti communiste français (PCF) qui vient d'être fondé à la suite du congrès de Tours, en 1920.

Dirigeant de la grande grève des métallurgistes de Saint-Étienne de 1924, il s'affirme et devient secrétaire permanent de l'union départementale de la CGTU. À partir de 1928, Frachon accède à des responsabilités supérieures. En accord avec les orientations de la direction de l'Internationale communiste, il participe à des réunions à Moscou et entre au bureau politique du PCF : il est l'archétype de cette génération de dirigeants communistes qui connaît une promotion très rapide (trois ans en l'occurrence). Au début des années 1930, Frachon se trouve au cœur de la ligne qui triomphe dans le communisme français, faite du repli de la tendance sectaire et de recherches de l'unité à la base avec les ouvriers et non avec les dirigeants socialistes ou syndicalistes « confédérés » (appelés ainsi pour les différencier des unitaires de la CGTU). Alors que se développent en France les premiers effets de la crise de 1929, le communisme et le syndicalisme à volonté révolutionnaire voient leur audience se rétrécir. Frachon, comme beaucoup de militants, subit les conséquences de la répression gouvernementale et est interné à la prison de la Santé. Dès 1931, il est porteur d'analyses alors nouvelles sur le mouvement syndical, attirant l'attention sur la nécessité de s'attacher aux petites revendications des travailleurs. Il devient le porte-parole convaincu de la lutte pour l'unité syndicale, sous la bannière de la CGTU, sur la base de la défense des revendications et des intérêts de la classe ouvrière. Frachon veut gagner les masses ouvrières : pour cela il faut d'abord s'occuper de la réalité ouvrière, réaliser le front unique des exploités, refuser de « faire faire le tour du monde à des prolétaires dont la préoccupation dominante est l'augmentation de leurs salaires ». »

À partir de 1933, devenu secrétaire de la CGTU, Frachon se situe au cœur d'une stratégie unitaire qui recherche non seulement le rapprochement avec les ouvriers confédérés et socialistes, mais aussi avec leurs dirigeants. Membre du bureau politique du Parti communiste français, il va transformer la centrale syndicale en véritable « courroie de transmission » de PCF et en assurer la mainmise sur sa direction pour des dizaines d'années. Dirigeant de premier plan de la CGT après la réunification syndicale de 1935, Frachon participe à la rencontre CGT/CGPF (patronat) du 6 juin 1936 à l'hôtel Matignon. Il est 15 heures lorsque débutent les négociations. Le rapport de force est tel que celles-ci ne s'éternisent pas : à 1 heure du matin, les accords Matignon sont signés. Il en est un des signataires. Au début de la Seconde Guerre mondiale, la signature du pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, met définitivement fin à l'unité syndicale : les communistes de la CGT sont sommés de désavouer le pacte. Frachon, bien que s'étant prononcé dans La Vie ouvrière pour une défense nationale antifasciste, est déchu comme Racamond de son mandat de secrétaire de la CGT par Léon Jouhaux et ses collègues « anciens confédérés ».

Dans la Résistance, il est avec Jacques Duclos et Charles Tillon l'un des principaux dirigeants du PCF clandestin, plus spécialement chargé de l'action syndicale. Il participe activement à l'élaboration de la plate-forme revendicative proposée aux confédérés en 1943 qui aboutit, le 17 avril, à la réunification de la CGT. Jusqu'à la Libération, l'essentiel de l'activité syndicale, les grandes directives d'action, sont le fait des unitaires sous la direction de Frachon : c'est dans la clandestinité que ceux-ci conquièrent la majorité de la CGT et Frachon, l'autorité pour en devenir l'un des secrétaires généraux. Le 22 août 1944, il signe dans L'Humanité un appel aux armes aux métallos parisiens. Le 10 septembre 1944, Frachon énonce les grandes tâches de la CGT : achever victorieusement la guerre, reconstruire l'économie. Il lance la bataille de la production et la relie à la satisfaction des revendications ouvrières. Il est membre de l'Assemblée consultative provisoire, délégué par le Conseil national de la Résistance (novembre 1944-août 1945). Il est élu secrétaire général de la CGT le 5 septembre 1945, responsabilité qu'il partage avec Léon Jouhaux. Il devient ensuite le dirigeant incontesté de la CGT, alors au faîte de sa puissance, après la scission qui voit la création de Force ouvrière sous l'impulsion de Jouhaux.

Il reprend ensuite les pleins pouvoir en décembre 1947, à la suite de la démission de Jouhaux du poste de secrétaire général de la CGT. Mais soucieux de l'originalité du syndicalisme, il veille à préserver à la direction de la première centrale syndicale française une présence de non communistes, fussent-ils proches du Parti. Des hommes comme Alain Le Léap, Lucien Jayat, Pierre Le Brun, Léon Rouzaud, Livio Mascarello illustrent le fait de l'influence cégétiste au-delà de la stricte « orthodoxie » partisane. La notice biographique que l'historien Philippe Robrieux dresse de ce militant note pour terminer : « Il a toujours gardé quelque chose des manières simples et directes de l'ouvrier syndicaliste révolutionnaire qu'il avait été ; de là vient sans doute qu'il ait su rester jusqu'au bout, d'une certaine façon un homme de masse. » Benoît Frachon se retire progressivement à partir de 1967, lorsqu'il devient président de la CGT. Il a alors 74 ans, et promeut un successeur Georges Séguy de 34 ans plus jeune. Il est le seul survivant du Front populaire à participer aux négociations de Grenelle : s'il n'est plus secrétaire général de la CGT, il demeure présent dans sa direction nationale jusqu'en 1975. Il fait partie du bureau politique du Parti communiste français de 1956 à sa mort, en 1975, et participe également aux instances dirigeantes du Mouvement de la paix.

Séjournant fréquemment depuis 1973 en raison de problèmes de santé dans une propriété du parti communiste situé dans le Loiret, il meurt le 4 août 1975, peu de mois après le décès de Jacques Duclos, son alter-égo de la direction clandestine sous l'Occupation. Le 7 août ses obsèques organisées selon le protocole usuel aux grands dirigeants du mouvement ouvrier, malgré la période des congés, rassemblent à Paris plusieurs milliers de « travailleurs qui font à Benoît Frachon une grande escorte » entre la Maison des Métallos, rue Jean-Pierre-Timbaud et le cimetière du Père-Lachaise. Dans un ordre étudié, quatre discours ponctuent le dernier hommage : Georges Séguy, pour la CGT, Ibrahim Zakaria, pour la FSM, Georges Marchais, pour le PCF et Robert Chambeiron, membre du Conseil national de la Résistance. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (97e division) dans la sépulture du comité central du PCF.

Le 25 avril 1925 Benoît Frachon se marie au Chambon-Feugerolles avec Marie-Louise Péalat, couturière, née au Chambon-Feugerolles en 1899. Celle-ci est la fille d'un ouvrier tourneur, trésorier du syndicat et conseiller municipal de la commune depuis 1919. Le couple donne naissance à un enfant, né en janvier 1929. Les responsabilités de « permanent » politique de Frachon induisent, dans une première période des déménagements fréquents, voire des séparations. Ainsi il est absent lors de la naissance de son fils. Résidant dans sa ville natale jusqu'en 1925, il habite ensuite à Lyon, puis à Villeurbanne. Installé à Paris, il est logé ... à la prison de La Santé de juillet 1929 à mai 1930, poursuivi en justice comme toute la direction du PC pour complot contre la sûreté de l'État. Libéré sans procès, il vit un temps dans le 17e arrondissement. Son épouse le rejoint quand il loue un logement à Choisy-le-Roi. En 1937 il obtient un appartement dans une cité de Montreuil. Le PCF lui procure ensuite une maison dans cette ville. Il la quitte en 1939... pour n'y revenir qu'en 1944. Durant une partie de la clandestinité il "loge" dans le Hurepoix (Essonne) à Forges-les-Bains, non loin de Limours où est "planqué" Charles Tillon et de Villebon-sur-Yvette, planque de Jacques Duclos. Jacques Girault, biographe de Frachon, passe volontairement sous silence d'autres éléments de sa privée mais fait allusion à « l'instabilité sentimentale des militants »...

Son épouse Marie-Louise assiste avec ses enfants et petits-enfants à ses obsèques. Elle décède en 1979. Dès le mois d'août 1975, la CGT décide de maintenir la mémoire de son emblématique dirigeant en donnant le nom de Benoît Frachon à son centre de formation syndicale de Courcelle-sur-Yvette. De nombreuses communes ont des voies, places, résidences, complexes sportifs à son nom : ainsi dans le département de la Loire, sa ville natale Le Chambon-Feugerolles, la préfecture Saint-Étienne, et d'autres villes comme Firminy, La Ricamarie, Unieux. Il en est de même en région parisienne pour les villes où il a résidé, Montreuil (esplanade Benoit-Frachon), Choisy-le-Roi et notamment les villes préfectures de Nanterre et de Bobigny. La ville de Paris a dans le 20e arrondissement une avenue Benoît-Frachon.

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